J'avais donc 6 ans! Age de l'école! La discipline! Nouvelle pour moi, je n'étais pas désobéissante, mais malheureuse! Mon papa me manquait et maman, bien que courageuse, ne pouvait répondre à tous nos besoins!

Elle dut travailler pour assurer les nouveaux frais! Nombreux! Ma soeur, en pleine croissance, ne recevait pas tous les aliments qu'elle aurait dû avoir et la diphtérie l'attaqua! Séjour à l'hôpital, où nous allions tous les jours la voir! Par peur de me contagier, la voisine, Mme D. la coiffeuse me prit chez eux! Sans enfants, elle et son mari me chouchoutaient!

Ma mère trouva un petit travail qui consistait à vendre les places de cinéma de notre quartier, le soir de 19h30 à 20h30! Ma soeur était revenue à la maison très amaigrie! Pour ne pas nous laisser seules à la maison, le directeur du cinéma avait permis de nous laisser dans les "baignoires" du cinéma, endroits privilégiés réservés aux personnes assez "fortunées"

Et tenez-vous bien, j'ai donc assisté à 7ans, à l'arrivée des américains dans cerains camps de concentration où des corps suppliciés pendaient aux grillages électrifiés qui leur auraient permis de s'enfuir!

Images terribles que je voyais chaque soir! Mais comment faire? Seule, ma soeur plus âgée était à même de comprendre! J'en ai peu de souvenirs car elle s'évertuait à me distraire aux moments insoutenables!

Sans bien nous en soucier, je parle de ma soeur et moi, nous allions chaque soir "fréquenter" le petit restaurant de notre voisine, madame D...., la patronne qui nous  accordait le privilège de manger avec eux! Je parle de ma soeur et de moi-même! Rendez-vous compte que cet endroit était fréquenté midi et soir par le groupe des autorités militaires des allemands groupés à la caserne!

Ma mère nous avait interdit de leur parler! Ma soeur, très obéissante et très peureuse, restait à la cuisine! Mais moi, curieuse et peu obéissante, je me risquais à l'entrée de la salle à manger, examinée avec gentillesse par tous ces gradés!

N'oublions pas que la majeure partie de ces hommes avait été embrigadée de force sous peine de mort s'ils refusaient. Que voyaient-ils en moi? Leurs enfants, restés en Allemagne!

Soir après soir, j'avais fini par rapporter à maman des restants de nourriture des allemands qui mangeaient peu!

Peu après, ils m'appelaient, me prenaient sur leur genou et me gavaient de bonnes choses dont j'en gardais la moitié  pour ma soeur!

J'avais fini par en rapporter à ma maman, qui après force gronderies, avait fini  par succomber...à la faim!

Plus de reproches, pas de compliments mais satisfaction de nos estomacs! Ma soeur reprenait du poids!

Cette période , me semble-il, dura trop peu!

Le débarquement anglais au Sud de la France, fit rapidement repartir les allemands avec larmes de notre part!

Ne nous jugez pas! Nous étions des enfants tristes et affamés!